Concert d’Airs d’Opéra Français

 

Orchestre National de France, Théâtre des Champs-Elysées (Paris) | Novembre 2010

 

Audace convaincante | Gérard Mannoni | Altamusica, 18 novembre 2010

 

En choisissant un programme voué à l’opéra français, Marie-Nicole Lemieux fait un pari audacieux et annonce la volonté d’orienter sa carrière vers un autre répertoire que celui de la musique baroque où elle a jusqu’à présent triomphé. Elle pourrait ainsi combler un manque incontestable et redonner des couleurs à un répertoire quasiment à l’abandon.
(…) Attaquer sans préambule aucun un concert par l’air d’Odette du Charles VI d’Halévy peut être considéré comme une suprême audace frisant la provocation. Mais, superbe musicienne, Marie-Nicole Lemieux n’est pas du genre à tergiverser et elle part au combat avec une bravura de vraie prima donna.
(…) L’expérience semble bien concluante. Les moyens sont là, tant pour la couleur de la voix que pour sa taille, laquelle ne fera que se développer et s’enrichir à la pratique de ces musiques.
La voix de Marie-Nicole Lemieux est naturellement riche en harmoniques, (…) les moyens s’imposent bien au-delà de personnages comme la Geneviève de Pelléas ou même la Mrs Quickly de Falstaff.
L’air de Néris de la Médée de Cherubini, Connais-tu le pays de Mignon, la scène des Lettres de Werther sont abordés avec vaillance et beaucoup d’intelligence musicale. Mignon et Werther notamment bénéficient déjà d’une approche quasi idéale, avec une technique très maîtrisée qui permet à la cantatrice de ne donner toute sa voix que lorsqu’elle le souhaite. Elle possède en particulier un art des sons piano et mezza voce rare aujourd’hui, ce qui lui permet de phraser avec élégance et raffinement.
Sans doute, Carmen lui convient-il moins bien alors que Dalila, donné en bis, semble complètement dans la direction de ce qu’elle tente désormais. Le souffle est ample, le haut de la tessiture vaillant, la couleur et la matière de la voix très adaptés a priori à ces héroïnes un peu orphelines en des temps où la plupart des mezzos et prétendus altos dramatiques ont des voix aussi claires que celles des sopranos, exception faite de quelques artistes des pays de l’est.
Un disque correspondant à ce programme placé sous la baguette de Fabien Gabel et où l’Orchestre national a été un partenaire de luxe en charge de quelques discrètes pages symphoniques a été enregistré. Il servira de jalon dans cette carrière passionnante et en pleine évolution.

 


Son cœur s’ouvre à sa voix | Christophe Rizoud | Forum Opéra, 18 novembre 2010

Marie-Nicole Lemieux, c’est une voix et un cœur, pourrait-on dire en allusion à l’extrait de Samson et Dalila qu’elle interprète en bis de ce récital parisien et dans lequel elle est aujourd’hui sans rivale. De sa voix, on a déjà dit tout le bien qu’on pensait lors de la parution de Ne me refuse pas, son enregistrement d’airs d’opéras français. Le programme de la soirée en reprend sept des onze titres. Sur la scène comme au disque, on retrouve cet art de la diction qui, dans le répertoire français pour nous francophones, est indispensable. Contrairement à la plupart de ses consœurs contralto (…), le volume ne souffre pas d’un orchestre à l’effectif fourni dont Fabien Gabel maitrise parfaitement l’intensité sonore, réservant ses effets les plus spectaculaires aux seuls passages instrumentaux. Ajoutées à la puissance, l’ampleur autant que la largeur légitiment le choix d’un répertoire qui, pour les voix de cette tessiture, compte peu d’élues. Les graves, même au plus bas de la portée, semblent naturels. La scène d’Odette dans Charles VI, choisie avec audace pour ouvrir le tour de chant, en offre les meilleurs exemples. Un vibrato savamment contrôlé sur toute la longueur empêche l’aigu d’osciller. Les coups de boutoir qu’assène à plusieurs reprises l’air des lettres (Werther) ne le fait pas vaciller. Le timbre moiré garde, dans ses reflets changeants, toute son opulence. C’est précisément ce velours qui rend incomparable « mon cœur s’ouvre à ta voix ». Est-ce lui aussi qui fait de la romance de Mignon, « Connais-tu le pays », un pur moment de grâce ? Pas seulement. Intervient là ce cœur que nous placions pour commencer à l’égal de la voix. Une sensibilité généreuse qui donne à la musique d’Ambroise Thomas l’intelligence que lui refusait Berlioz. On sent, chez Marie-Nicole Lemieux, les sentiments affluer telle l’eau bouillonnante de la source. Contrôlés la plupart du temps, ce qui donne à son chant ce frémissement rare, elle les laisse parfois jaillir comme lorsqu’emportée par la « danse bohème » de Carmen, présentée ici dans sa version instrumentale, elle bondit de sa chaise pour en chanter avec l’orchestre les dernières mesures. Une même vitalité parcourt la « Habanera ». (…) Enfin, on le redit car les couplets de la migraine de La fille du tambour-major – dédiée par Marie-Nicole Lemieux à toutes les femmes dans la salle – le confirment, les talents comiques de la chanteuse, un mélange gourmand d’espièglerie et de bonne humeur, sont une mine d’or que les directeurs d’opéras seraient inspirés d’exploiter.

 


 

Défense et illustration du chant français | Sébastien Gauthier | ConcertoNet, 18 novembre 2010

 

Le Théâtre des Champs-Elysées est plein alors que le programme n’est, sur le papier en tout cas, peut-être pas aussi immédiatement attractif qu’une symphonie de Beethoven ou de Mahler… (…) Marie-Nicole Lemieux, que l’on a déjà entendue aussi bien dans le répertoire baroque que dans les symphonies de Mahler ou Pelléas et Mélisande de Debussy, révèle ici des talents insoupçonnés aussi bien de chanteuse que de comédienne, talents qui n’avaient peut-être jamais été aussi éclatants.
(…) Marie-Nicole Lemieux incarne magnifiquement la figure d’Odette, inspirée du personnage historique d’Odette de Champdivers, qui fut la maîtresse du roi Charles VI et qui semblait être la seule à pouvoir calmer ses accès de folie, dans un air tourmenté qui, à partir d’une délicate césure orchestrale annoncée par les deux flûtes et un cor, devient beaucoup plus apaisé avant de se conclure sur une note totalement enflammée. (…)
Cherubini était ensuite à l’honneur avec un extrait son opéra le plus célèbre, Médée (…). L’extrait est justement célèbre pour mettre en valeur, en premier lieu, non la voix, mais le basson qui inaugure le passage dans une douloureuse introduction, véritable écrin où Marie-Nicole Lemieux peut ensuite se glisser en toute quiétude. Ecoutée par un public attentif et silencieux comme rarement, elle émeut de bout en bout, révélant des talents de tragédienne hors de pair.
Aujourd’hui, la programmation des œuvres d’Ambroise Thomas se fait rare, même si plusieurs scènes françaises programment de temps à autre Hamlet ou Mignon. (…) L’air choisi par Marie-Nicole Lemieux, « Connais-tu le pays? », permet à la jeune chanteuse de jouer là encore sur la diversité des climats, passant de la douce nostalgie instaurée par la flûte solo à la douleur sentimentale (« Hélas!… Que ne puis-je te suivre vers ce rivage heureux ») avant de retrouver une atmosphère bienfaisante (« Connais-tu la maison où l’on m’attend là-bas »). L’Orchestre national de France, dirigé par un Fabien Gabel à la gestique toujours aussi martiale, est excellent, bénéficiant d’une finesse absolument exceptionnelle de la part des instrumentistes.
(…) Tout autre est le climat de « Qui m’aurait dit la place », tiré de Werther (…). La transparence orchestrale accompagne merveilleusement Marie-Nicole Lemieux qui, plus que dans tout autre air du concert, se révèle plus tragédienne que chanteuse, l’effroi se muant finalement en désespoir total. Là aussi, triomphe attendu et inévitable.
Enfin, comment conclure un tel concert sans rendre hommage à Carmen (…). Même si les deux extraits orchestraux furent enthousiasmants (Marie-Nicole Lemieux se mettant même à chantonner et à tournoyer sur scène lors de la « Danse bohème » !), c’est surtout la fameuse « Habanera » qui est à marquer d’une pierre blanche, la cantatrice québécoise jouant d’un air (et d’un ton) mutins, délicieusement pervers, qui envoûtent l’assistance comme rarement.
Face à un tel triomphe – le mot n’est pas trop fort – Marie-Nicole Lemieux, riante, d’une fraîcheur et d’une simplicité rares, et Fabien Gabel se devaient de donner un bis : ce fut l’air « Mon cœur s’ouvre à toi », extrait de Samson et Dalila (1877) de Saint-Saëns. Enthousiasme renouvelé des spectateurs!

 


Marie-Nicole Lemieux, verse-nous l’ivresse ! | Olivier Mabille | ResMusica, 21 novembre 2010

On ne présente plus Marie-Nicole Lemieux, qui, dans Vivaldi, Brahms ou Fauré, a marqué les auditeurs par son timbre aux reflets fauves. Du récital qui vient de paraître chez Naïve, on n’entendra en fait que les airs les plus célèbres, en dehors de la belle scène de Charles VI. On s’en console vite cependant. Le chant allie l’exactitude au naturel et les mots, fermement posés, lui assurent un relief que l’accompagnement de bonne tenue, mais assez plat, ne renforce guère. La souplesse d’une voix pourtant considérable et la maîtrise du registre aigu lui permettent de rendre justice à la grande scène de Halévy, qui enchaîne un récitatif tourmenté, une cantilène digne de Bellini et une partie rapide héroïque. (…) « Connais-tu le pays ? » est un succès total, accompagné avec délicatesse : le fondu des couleurs de chaque strophe est admirable, le moelleux du legato et la beauté du timbre font le reste. (…)
La scène de Werther est superbe, malgré des attaques peu nettes de l’orchestre : les lettres sont récitées de façon touchante, comme si Charlotte les connaissait par cœur, et la strophe finale emporte par son ardente simplicité. « Je me sens prête », déclarait il y a quelques mois Marie-Nicole Lemieux à propos de Carmen. Indéniablement, elle crée un personnage, et si cette Carmen semble plus taquine que dangereuse, ses ports de voix ironiques sont un enchantement. Après la Danse bohème et un somptueux air de Dalila, Marie-Nicole Lemieux se retire aux accents de « J’ai la migraine ». Le public, lui, est aux anges.

Debussy : Pelléas et Mélisande

Claude Debussy (1862 – 1918)
Pelléas et Mélisande

 

Directeur musical – Bertrand de Billy
Mise en scène – Laurent Pelly

Mélisande – Natalie Dessay
Pelléas – Stéphane Degout
Golaud – Laurent Naouri
Arkel – Philip Ens
Geneviève – Marie-Nicole Lemieux
Le médecin/Le berger – Tim Mirfin
Yniold – Beate Ritter

Arnold Schoenberg Chor
ORF Radio-Symphonieorchester Wien

 

Paru le 21 novembre 2009 chez EMI Classics
Enregistré au Theater an der Wien en janvier 2009, par Paul et Peter Landsmann

Verdi : Falstaff

Giuseppe Verdi (1813-1901)
Falstaff

 

Direction musicale – Vladimir Jurowski
Mise en scène – Richard Jones

Dr Caius – Peter Hall
Sir John Falstaff – Christopher Purves
Bardolph – Alasdair Elliott
Pistol – Paolo Battaglia
Mrs Page (Meg) – Jennifer Holloway
Mrs Ford (Alice) – Dina Kuznetsova
Mistress Quickly – Marie-Nicole Lemieux
Nannetta – Adriana Kucerova
Fenton – Bulent Bezduz
Ford – Tassis Christoyannis

Glyndebourne Chorus
London Philharmonic Orchestra

 

Enregistré en direct au Glyndebourne Opera House, Lewes, East Sussex, en Juin 2009 par Opus Arte

Schumann – Frauenlieben und Leben

A deux mois de son mariage avec Clara, Robert Schumann compose le cycle de L’Amour et la vie d’une femme, saisissante projection du destin de sa future épouse : de la naissance extasiée de l’amour dans le cœur de la jeune fille, pour un homme plus âgé, paré à ses yeux de toutes les qualités, jusqu’à la fidélité à l’être aimé par-delà la mort. De ce cycle très intime, se dégage une poésie inquiète, une joie emprunte pourtant de douleur et un sentiment tragique qui innerve jusqu’aux joies du mariage – une ombre secrète où les qualités dramatiques de Marie-Nicole Lemieux sont mises en valeurs. Composé quelques mois auparavant, le Liederkreis op.39 regroupe des mélodies sur des poèmes d’Eichendorff en apparence disparates mais fondus dans un cycle d’une absolue cohérence, à la limite du rêve, un chef-d’œuvre absolu digne du Voyage d’Hiver de Schubert, alternant la ballade légendaire, les nocturnes mystérieux, les méditations amoureuses et les élans passionnels. Pour compléter ce programme Schumannien, Marie-Nicole Lemieux a choisi quelques célèbres mélodies du compositeur qui exaltent sa voix si chaleureuse.

 

Marie-Nicole Lemieux, contralto
Daniel Blumenthal, piano

 

Robert Schumann
1-12. Liederkreis opus 39 – In der Fremde | Intermezzo | Waldegespräch | Die Stille | Mondnacht | Schöne Fremde | Auf einer Burg | In der Fremde | Wehmut | Zwielicht | Im Walde | Frühlingsnacht
13. Die Löwenbraut
14. Seit ich ihn gesehen
15. Er, der Herrlischste von allen
16. Ich kann es nicht fassen, nicht glauben
17. Du Ring an meinem Finger
18. Helft mir, ihr Schwestern
19. SüBe Freund, du Blickest
20. An meinem Herzen, an meiner Brust
21. Nun hast du mir den ersten Schmerz getan
22. Der Nussbaum
23. Er ist es
24. Loreley
25. Widmung

 

Paru le 17 février 2009 chez Naïve

Vivaldi – La Fida Ninfa

Antonio Vivaldi
La Fida Ninfa

Direction musicale : Jean-Christophe Spinosi

Licori : Sandrine Piau
Morasto : Veronica Cangemi
Elpina : Marie-Nicole Lemieux
Oralto : Lorenzo Regazzo
Osmino : Philippe Jaroussky
Narete : Topi Lehtipuu
Eolo : Christian Senn

Ensemble Matheus

Paru le 18 novembre 2008 chez Naïve

Lamenti

Joyce DiDonato (mezzo-soprano), Marie-Nicole Lemieux (contralto), Natalie Dessay (soprano), Patrizia Ciofi (soprano), Philippe Jaroussky (contre-ténor), Rolando Villazón (ténor), Simon Wall (ténor), Topi Lehtipuu (ténor), Laurent Naouri (baryton-basse) & Véronique Gens (soprano)

Emmanuelle Haïm, chef d’orchestre, orgue & clavecin
Le Concert d’Astrée

 

1. Cavalli – Egisto : « D’Hipparco e di Climene ospiti miei », Rolando Villazón
2. Monteverdi – Madrigali guerrieri, et amorosi : Lamento della ninfa, SV 163, Natalie Dessay, Simon Wall, Topi Lehtipuu & Christopher Purves
3. Strozzi – Cantate, ariette e duetti, Op. 2 : L’Eraclito amoroso, Philippe Jaroussky
4. Monteverdi – Arianna : Lamento d’Arianna, SV 22, Véronique Gens
5. Landi – « Superbi colli, e voi, sacre ruine », Christopher Purves
6. Monteverdi – L’Incoronazione di Poppea, SV 308, Act 3 : « Addio, Roma » (Octavia), Joyce DiDonato
7. Cavalli – Didone : « Acate, Ilioneo, compagni, amici », Topi Lehtipuu
8. Carissimi – Lamento di Maria Stuarda, Patrizia Ciofi
9. Cesti – L’Argia : « Dure noie, che rendete », Laurent Naouri
10. Cavalli – La Didone : « Alle ruine del mio regno…Tremulo spirito », Patrizia Ciofi & Marie-Nicole Lemieux
11. Monteverdi – L’Orfeo, SV 318 : « Tu se’ morta mia vita », Rolando Villazón

 

Paru le 15 septembre 2008 chez Erato/Warner Classics